« Billet d’humeur »

Il est des mots et des expressions qu’il faut absolument placer actuellement dans un discours ou un texte, comme « biodiversité », « hors norme », « à couper le souffle », etc… Ce qui me préoccupe ici, c’est la biodiversité ; et que l’on ne vienne pas essayer de me faire croire que c’est la ville qui va la sauver, comme certains tentent de le faire.

Il serait bon par ailleurs, qu’avant d’utiliser le mot biodiversité, les auteurs consultent un bon dictionnaire ou internet pour savoir ce que ce mot recouvre et qu’il ne se résume pas en une seule définition.

La France a voté une loi sur la protection de la nature en 1976, loi complétée depuis, notamment par des éléments de la loi européenne de même type, qui ont été transcrits en droit français… plus ou moins rapidement. Notre pays a donc des engagements européens sur la protection des espèces et sur celle des habitats. Ainsi, des espèces protégées par ces directives européennes sont venues compléter nos listes nationales, les zones Natura 2000 ont été créées, les Trames vertes et bleues de même, etc…

Chez nous, l’Ours brun, le Loup gris et le Lynx boréal sont des espèces protégées et la France se doit de les protéger sous peine de pénalités européennes. Précisons le statut de ces trois espèces qui font partie de la biodiversité animale :

            + l’OURS BRUN n’a jamais disparu de France, une petite population ayant survécu dans les Pyrénées occidentales. Cependant notre pays devait la renforcer pour éviter son extinction. Un premier relâcher de 3 individus venant de Slovénie a eu lieu en Haute-Garonne en 1996-1997, l’espèce ayant disparu des Pyrénées centrales au début des années 1990. Malheureusement, un peu plus tard, un chasseur a tué la femelle MELBA accompagnée de 2 oursons (il a du confondre avec un lapin !!!). Un autre chasseur, le 1er novembre 2004, tue la dernière femelle de souche pyrénéenne (CANNELLE) en Vallée d’Aspe (Béarn) ; là aussi, le besoin d’un examen sérieux de la vue des chasseurs se fait sentir !

Après de nombreuses promesses non tenues et tergiversations ministérielles, 2 femelles slovènes sont enfin relâchées dans le Béarn en 2018, malgré une opposition farouche des chasseurs et de certains éleveurs locaux, secteur où les quelques ours d’origine avaient survécu tant bien que mal.

En 2018, 40 Ours ont été détectés sur l’ensemble de la chaîne pyrénéenne.

            + le LOUP GRIS : cette espèce a historiquement habité toute la France, mais l’homme a tout fait pour l’éliminer, et en 1937 elle a été considérée comme éradiquée.

Mais elle n’a jamais disparu de chez nos proches voisins que sont l’Espagne et l’Italie. En 1992, la première observation d’un loup a eu lieu dans les Alpes du sud, confirmation en 1994 par le Parc national du Mercantour, et ensuite expansion de l’espèce.

Donc le Loup n’a pas été réintroduit en France, contrairement à ce que certains voudraient faire croire, mais c’est la population italienne voisine qui s’est développée petit à petit et a commencé à coloniser la France, ce qui a été confirmé par des analyses génétiques.

            + le LYNX BOREAL : contrairement au loup qui est un animal de meute, le Lynx est un solitaire à grand territoire, fortement dépendant des populations de chevreuils et mammifères plus petits. Il a été éradiqué de France au XIXème siècle.

En 1983, une tentative de réintroduction a lieu dans les Vosges (12 mâles et 9 femelles), mais ceux-ci n’ont pas survécu aux chasseurs ou braconniers (au choix !).

Au début des années 1970, des Lynx ont été réintroduits dans les Jura et Alpes suisses ; c’est le développement de leurs populations qui les a fait investir le Jura français d’abord, puis les Vosges et les Alpes.

En 2002-2004 (source ONCFS), le Jura comptait 85 à 100 Lynx, 30 à 40 dans les Vosges et 20 à 40 dans les Alpes.

             Ces 3 espèces sont des prédateurs, carnivores exclusifs pour le Loup et le Lynx, omnivore pour l’Ours dont la part carnée dans l’alimentation est faible. Il n’est pas question cependant de nier les problèmes causés aux éleveurs de moutons principalement, ces derniers étant des proies souvent faciles pour le Loup et le Lynx. L’Ours lui, tue effectivement quelques brebis, parfois une jeune vache, mais il fait également peur aux troupeaux non protégés qui peuvent se précipiter n’importe où.

Après éradication du Loup et du Lynx aux XXème et XIXème siècles, les bergers n’ont plus eu la nécessité de garder les troupeaux, lesquels ont été laissés seuls en montagne durant la période estivale. Dans les Pyrénées-Atlantiques au moins, jusque dans les années 1960, les bergers passaient encore l’été en estive dans des cabanes aménagées, suivaient les troupeaux dans la journée et les rassemblaient le soir dans un enclos gardé la nuit par les gros chiens « patous » dont le rôle était de faire fuir les Ours si l’un d’eux avait des velléités d’attaque. Mais petit à petit, ce mode de vie a changé, les jeunes ne prenant souvent pas la suite de leurs aînés, d’où problèmes.

Par contre, lorsque l’on parle de brebis ou autres tués par les Ours, les Loups ou les Lynx, on ne met jamais en parallèle les mortalités dues aux chiens errants, aux maladies et accidents météorologiques ; on constaterait alors que la prédation est une part infime de la mortalité. La filière ovine notamment se porte mal depuis longtemps, bien avant le retour des prédateurs ; il faut savoir que la viande ovine importée de Nouvelle-Zélande coûte moins cher chez le boucher que celle produite en France (concluez vous-mêmes).

Ce long plaidoyer a pour but d’expliquer la situation et de montrer, à l’aide de 2 pages de la revue de l’Association « Fonds d’Intervention Eco-Pastoral » (FIEP), dont je suis membre depuis longtemps, comment le pouvoir actuel considère l’écologie et comment il traite la biodiversité qu’il prétend être au cœur de ses préoccupations (qu’est-ce que ce serait si ce n’était pas le cas !)

Depuis 50 ans, le FIEP œuvre dans les Pyrénées-Atlantiques pour une cohabitation entre les bergers et les ours. Lorsque chacun y met du sien (chez l’homme bien sûr), cela devient possible. Le FIEP a montré qu’il aidait les bergers pour monter le matériel en estive et pour garder les troupeaux en leur assurant une protection. Il faut aider cette association à poursuivre son remarquable travail (cf. son adresse sur l’annexe).

Toutes ces attaques contre la biodiversité sont malheureusement inéluctables ; au risque de passer pour un rabâcheur, je répète que la cause fondamentale de ce type d’attitude est la surpopulation humaine et sa nécessité de consommer de l’espace. En 2018, la population mondiale était de 7, 605 milliards ; prévisions pour 2050 : 10 milliards, alors que l’ensemble des ruminants de la planète (domestiques + sauvages) est estimé à 4,500 milliards seulement.

Prenons l’Afrique comme exemple :

  • 140 millions d’habitants en 1900
  • 1 milliard en 2010
  • 2,5 milliards en 2050 (estimation)
  • 4 milliards en 2100 (estimation)

Où vont-ils se mettre si ce n’est aux dépens de la faune sauvage et de ses habitats ? La situation actuelle est déjà terrible.

Un exemple précis : le LOUP D’ABYSSINIE, espèce endémique qui vit sur les hauts-plateaux éthiopiens et se nourrit principalement d’une espèce de gros rongeur, le rat-taupier géant ; il ne reste que 500 individus et l’espèce est considérée en voie d’extinction. Pourquoi ? Les hauts-plateaux sont peu à peu colonisés par les bergers et leurs troupeaux, assistés de chiens qui ont apporté le virus de la rage, laquelle décime ce qui reste de cette espèce de loups, tandis que leur milieu est envahi par l’élevage.

Les Ethiopiens ou les Loups ?

Et pendant ce temps-là, en France, le Préfet du Jura a validé le « Schéma Départemental de Gestion Cynégétique » de ce département (pourquoi pas !), et ce en juillet, mais en ajoutant discrètement un programme de régulation des grands prédateurs avec évolution du statut de protection du Lynx. Il oublie seulement que le Lynx, le Loup, l’Ours, entre autres, sont de la seule compétence ministérielle, que ces espèces sont protégées par la Convention de Berne que la France a ratifiée et à laquelle elle doit se conformer. Il devient de plus en plus courant que des préfets prennent des arrêtés illégaux ; sont-ils chargés de sonder l’opinion ou de porter le chapeau ?

Lisez bien les 2 pages ci-dessous et vous serez fixés. Et après, vous apprécierez que l’on donne des leçons aux Africains pour protéger leur faune !!

Pour conclure, même Nicolas HULOT a été obligé de l’admettre : l’économie et l’écologie ne sont pas compatibles. Tant que la croissance sera le credo des états, la destruction de la planète continuera.

                                                                                   par Gérard GROLLEAU

09.2019

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